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Contre la distorsion de concurrence,
l’amour deviendra payant le 1er septembre
2008
Une étape cruciale de l’entreprise de
rééquilibrage des forces vives de la Nation a
été franchie cette nuit, lorsque les
députés ont voté à 341 voix
contre 2 la monétisation de l’amour. Le dernier
bastion du monde des loisirs, jusqu’à présent
imparfaitement encadré et souvent régi par la
gratuité au mépris des principes de l’OMC, se
voit ainsi, enfin, soumis au gros doigt invisible du
marché.
L’opération avait été
préparée de main de maître : lorsque la
proposition surprise a été mise sur la table
par le chef de file des parlementaires UMP, il ne restait
plus que deux députés socialistes dans
l’hémicycle. Par souci de fair-play leurs
collègues ont tenu à les réveiller
avant de procéder au vote, les grands seau d’eau
froide permettant par ailleurs de nettoyer les
travées de leurs vomissures
alcoolisées.
Et à trois heures du matin,
l’Assemblée adoptait ce qui se révélera
sans doute être la plus grande réforme
civilisatrice de ces dernières années :
l’amour, un service fondamental auquel 17% des
Français n’ont pourtant pas accès, devenait
obligatoire et payant.
Il était en effet anormal et
dangereux de laisser ce sentiment prospérer en dehors
de tout cadre légal et sans aucune garantie de
financement. Anormal, car il a été
scientifiquement prouvé que la gratuité
était un fléau, voire un gros mot, comme en
témoignent le récent passage au payant du
Festival de cinéma en plein air de la Villette, ou le
mode de retransmission sur internet de la formidable
fête populaire qu’est le Tour de France (ou
pas).
Dangereux, car il était impossible
jusqu’à présent de se retourner contre
quiconque en cas de gros chagrin d’amour ou de fuite
à New York de la personne aimée, et une
victime sans criminel n’a aucune chance d’accéder
à une quelconque garden party, sauf à
l’organiser elle-même.
Grâce à l’établissement
d’une grille tarifaire sévèrement
contrôlée, tous les Français, même
les plus petits, pourront dorénavant prétendre
à la plus belle des sensations après une
plus-value à la Bourse, celle qui parfois vous gonfle
le cœur et vous étouffe, fait perler les larmes au
coin des yeux sans pour autant qu’on puisse expliquer
pourquoi.
Et pourront dénoncer à la
DGCCRF la chienne d’allumeuse qui leur refuse une main au
cul.
En plus d’instituer une vraie justice
sociale, cette réforme permettra de relancer
dès cet été une économie morose.
La France et en particulier Paris sont
réputées pour leur romantisme : il
était désespérant dans ces conditions
de voir de jeunes couples, ou des vieux, d’ailleurs,
s’enlacer ou se bécoter sur les bancs publics, bancs
publics, pour rien.
Un coucher de soleil dans le prolongement de
la Seine ou l’odeur enivrante de plantes aromatiques
baignées de la lumière mauve qui accompagne la
fin d’un récital de cigales sur une plage où
les baigneuses aiment à pratiquer le topless
représentent ainsi d’extraordinaires
réservoirs de croissance (ou alors c’est ton portable
?).
C’est pourquoi le gouvernement lancera au
début du mois prochain une vaste campagne de
communication invitant les Françaises à
profiter de cette loi pour revaloriser leur pouvoir d’achat.
Sans doute sur une musique de Carla Bruni, qui écrit
de très jolies chansons sentimentales.
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