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jeune
de Maître Capel O Vici
catégorie d'humains qu'on se gardera
de considérer comme normal
L'être sociable devient vieux le jour
où il se demande pour la première fois comment
ont bien pu être élevés les jeunes
insupportables qu'il croise dans ce qu'il croyait être
sa routine de vieux.
Non seulement le jeune se pose des questions
que la sagesse du vieux - voire un certain
désabusement - lui dicte de ne plus se poser depuis
bien longtemps, mais en plus son outrecuidance et son
insouciance le rendent très souvent
insupportable.
Le jeune ne connaît rien à mais
rien mais ne demande qu'à comprendre, ce qui en fait
un animal franchement agaçant, voire dangereux
à la longue.
Heureusement, ses potentiels sont
gâchés par son impatience et ce qui passe pour
de l'arrogance. Le jeune est du genre à se poser des
questions avant d'agir ou bien le contraire et, de toute
façon, dans les deux cas, ça agace encore plus
les vieux.
Les jeunes cherchent aux dépens des
vieux un équilibre entre apprentissage et esprit
critique, obéissance et liberté, connaissance
et ignorance... à croire que l'école ne les a
formés qu'à se poser des questions auxquelles
la vie montre qu'il n'y a pas de réponse.
Quoi que l'école ait appris à
un jeune, celui-ci arrive à grand peine à
digérer l'éducation et l'instruction acquises
afin de se construire une vie bien à lui, dans
laquelle il peut tirer profit de ses connaissances. Ainsi,
le jeune présente toujours une prédisposition
forte à l'analyse, ce qui tombe bien puisque sa
capacité d'analyse a en général
été promue et glorifiée à
l'école.
Quel que soit son niveau d'instruction final
(de bac moins beaucoup à bac plus beaucoup trop), le
jeune qui a réussi à s'en tirer en a marre
d'apprendre "comme à l'école". Mère de
beaucoup de ses connaissances, l'école devient un
puissant repoussoir pour le jeune adulte, comme le souvenir
pénible d'un cauchemar dont on se réveille
avec la gueule de bois.
D'ailleurs, sorti d'une école ou
autodidacte, le jeune commet invariablement des erreurs mais
ne les reconnaît pas. Au mieux il les dissimule (stade
suprême : sans pour autant faire porter la faute sur
son voisin), au pire il se désengage rapidement des
sujets où il s'est trompé et devient donc un
jeune oisif, futur patron courageux. Qu'il commette ou non
des erreurs, le jeune est désarmé pour
affronter les vieux car il leur apparaît toujours
comme le pire des ignorants (et si, en plus, il est
insoumis, c'est l'enfer).
En fait, les jeunes sont atteints de la plus
grande des maladies sociales : la jeunesse. La
société n'aime pas les jeunes, le capitalisme
n'aime pas les jeunes, les banquiers n'aiment pas les
jeunes, les commerçants aiment les jeunes mais ils
les méprisent d'autant, les jeunes n'aiment
même pas les autres jeunes.
En clair, pour accéder à la
reconnaissance sociale, sauf à monter un
girls/boys-band (encore que ceux-là ne soient plus
des jeunes mais des trucs marketing), ou à aligner la
moitié des prix du Concours Général
(gloire éphémère), le jeune doit
devenir vieux de toute urgence.
Mais il n'a aucune chance de devenir vieux
tant qu'il voudra rester dans son monde de
jeunes.
Mais il n'a aucune chance de devenir vieux
tant que les vieux le cataloguent en tant que
jeune.
Heureusement, en étant patient, le
jeune finit par être dépassé par
d'autres jeunes qui arrivent sur le marché et, du
coup, il peut tranquillement faire semblant d'être un
vieux con, même s'il est resté un jeune con
dans l'âme.
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